L'ART AUSTRALIEN ABORIGENE ET OCCIDENTAL

Lorsqu'elle se combine à l'abstraction, l'œuvre des artistes australiens occidentaux semble dialoguer avec la peinture du " Temps du Rêve ", elle aussi très géométrique, rarement figurative et en cela très moderne. C'est ainsi que Christopher Hodges emprunte à la symbolique aborigène ses représentations de points d'eau sous la forme de cercles concentriques. Les œuvres de Rosalie Gascoigne reprennent parfois la technique des paysages vus de haut qu'affectionnent les peintres aborigènes. Enfin, malgré l'influence japonisante dont témoigne son art, Wilma Tabacco semble réécrire dans l'ondulation des lignes colorées qui occupent ses toiles, l'image des dunes de sable du désert telles qu'on les découvre chez un Helicopter Tjungurrayi ou dans les œuvres de l'école de Balgo.

Art occidental et art aborigène sont les deux facettes d'un même art australien " contemporain ".

Linda Syddick NAPALJARRI

Il n'y a pas de frontière entre art aborigène et art occidental. Tout artiste puise des éléments dans son environnement et les synthétise dans son œuvre afin de l'enrichir.
Ainsi, Linda Syddick Napaljarri, artiste aborigène, fait se rencontrer dans son œuvre mythes originels et souvenirs de son enfance passée dans une mission chrétienne. Les grands ancêtres aborigènes qu'elle représente peuvent parfois être nimbés à la manière des icônes byzantines.

Plus généralement, les artistes aborigènes du Grand Désert Central ont adopté le format de la toile, mieux adapté à la commercialisation que leurs traditionnelles peintures sur sol ou sur corps.( A ce titre, on se doit de rappeler que le Land art n'est pas une invention des années 1970, depuis des temps immémoriaux les cultures aborigènes et pré-colombiennes - pour ne citer qu'elles - ont utilisé l'espace naturel pour s'exprimer.) De leur côté, les artistes de la Terre d'Arnhem ont introduit des éléments figuratifs dans leurs œuvres, pour les rendre plus accessibles au public, sans révéler pour autant leurs secrets ancestraux.

Du côté des Occidentaux, Rosalie Gascoigne emprunte pour sa part aux Aborigènes les mêmes points de vue surplombant pour créer ses " Paysages urbains ". Dans " Trafic urbain ", le copyright " C " des caisses de Schweppes qu'elle utilise renvoie au symbole aborigène du " U " qui représente - entre autres - les participants d'une cérémonie religieuse.
Annie Franklin reprend elle aussi le point de vue aérien des Aborigènes dans ses gravures.

Finalement, la terre est la première source d'inspiration pour les artistes australiens. Elle est pour la communauté aborigène le symbole maternel et originel, et représente pour la communauté occidentale un espace d'adoption, un environnement à apprivoiser.

Au fil des millénaires pour les uns et des siècles pour les autres, chacun eut à coeur de représenter sa propre histoire. Pour les Aborigènes, elle remonte à la création de l'Australie et se croise avec leur histoire personnelle et clanique. En revanche l'histoire des occidentaux est beaucoup plus récente et témoigne de faits divers relevant de la grande Histoire et de faits plus anecdotiques (par exemple la figure du bandit de grand chemin "Ned Kelly" par Sydney Nolan)

Par contre, l'origine est de toute évidence un thème qui différencie les deux communautés. En effet, pour les Aborigènes, elle s'impose depuis des générations et favorise l'intégration dans la société en définissant l'identité sociale, spirituelle et humaine. En revanche pour les Australiens anglo-saxons ou issus de l'immigration (par exemple asiatique) leur référence principale est celle de la culture occidentale ou de leur pays d'origine.